Accident Ayrton Senna 1er mai 1994

Accident Ayrton Senna 1er mai 1994

 

 

Mort de Senna: la réaction de Prost

La réaction d’Alain Prost, alors consultant pour TF1, à la mort d’Ayrton Senna durant le JT de 20h de la Une.

 

Un mystère entourera à jamais les circonstances exactes de l’accident qui a coûté la vie à Ayrton Senna le 1er mai 1994 à Imola, dans le septième tour du Grand Prix de Saint-Marin. Après dix ans d’enquête et de procédures, la justice italienne a conclu à une rupture de la colonne de direction de sa Williams. Le Brésilien aurait sans doute survécu s’il n’avait eu l’extrême malchance de taper le mur extérieur de la courbe de Tamburello suivant un angle très défavorable, à 210km/h. Car c’est un triangle de suspension brisé de sa FW16 qui a agi comme une lame de couteau pour lui transpercer le visage au niveau de l’arcade sourcilière droite.

Frank Williams, Patrick Head et Adrian Newey, en qualité respectivement de propriétaire de l’écurie, directeur technique et chef designer, ont été mis en cause par la justice transalpine avant d’être innocentés. Plusieurs thèses ont circulé à propos de la trajectoire inexpliquée qui mena le triple champion du monde à son funeste destin : talonnage du bolide devenu incontrôlable, problème de pression sur un pneu, erreur du pilote, etc… Deux ans après le drame, en mai 1996, Patrick Head s’était confié en exclusivité au mensuel Sport Auto.

« La seule pièce qui fait douter reste la colonne de direction. Et je l’aie vue pendant une minute, cela trois semaines après l’accident », expliquait l’ingénieur britannique. « La voiture était dans un dépôt à ciel ouvert et la colonne de direction que j’ai observée était toute rouillée, car exposée aux intempéries et à l’humidité. Je ne dis pas qu’il était impossible au magistrat instructeur de l’inspecter, parce que, au moyen de procédés chimiques, on peut enlever la rouille. » « Je ne pense pas pouvoir nier qu’il ait pu y avoir quelques criques de fatigues (début de cassure détectable en statique) », poursuivait-il. « Les personnes qui construisent le matériel destiné à ces analyses le savent bien… Les gens seront horrifiés d’apprendre cela, mais dans n’importe quel jumbo-jet qui vole, il y a des criques. Toute la question est de savoir quelle est leur importance, comment elles peuvent s’étendre. Mais par nature, une crique suit un processus progressif : la question est de savoir à quel moment elle présente un risque. » Photographe pour l’AFP, Christophe Simon se souvient lui d’un « week-end marqué par un nombre incroyable d’incidents étranges et d’accidents graves ». La colonne inspectée en détails avant d’être remontée pour Imola Allongé dans sa machine, Ayrton Senna trouvait le volant trop proche. Il avait demandé qu’on lui dégage de la place, et la colonne de direction avait été modifiée. Il n’en fallait pas plus pour faire naître une rumeur. « Je ne sais pas d’où est venue la rumeur, mais la modification qui a été effectuée sur la colonne de direction a été opérée dix jours avant le premier grand prix de la saison », rappelait Patrick Head, dans Sport Auto. « Elle a ensuite été démontée puis remontée après le Grand Prix du Pacifique après que la voiture soit sortie de la piste et ait été touchée par Larini. A cause de cet impact, elle fut soumise à une inspection très rigoureuse, pour voir s’il n’y avait pas de criques. Et il n’y en avait pas. Nous avons également vérifié qu’elle ne soit pas tordue. Et elle ne l’était pas. » Jugée bonne pour le service, la colonne de direction a donc été remontée sur la FW16 pour le Grand Prix de Saint-Marin.

Maudit 1er mai 1994 ! Cette année-là, la Fête du travail tombe un dimanche. Mauvais présage. Ayrton Senna et de nombreux pilotes aimeraient bien, eux aussi, ranger leurs combinaisons au placard. Le 1er mai n’y est pour rien. Les pilotes sont en deuil. Ils viennent de perdre l’un des leurs. Mais les enjeux sportifs et financiers sont trop importants. Il faut participer à ce foutu Grand Prix d’Imola.

Décès de Roland Ratzenberger aux essais

L’ambiance est pesante sur la grille de départ. Lors des essais, Roland Ratzenberger s’est tué au volant de sa Simtek. Victime d’une défaillance mécanique, l’Autrichien tire tout droit et percute le mur à plus de 300 km/h. Il meurt sur le coup. La F1 est sous le choc. Le décès de Ratzenberger vient dramatiquement rappeler une réalité trop vite oubliée : la F1 est un sport dangereux, voire mortel. Depuis la saison 1982 et les accidents de Gilles Villeneuve et de Riccardo Paletti, aucun pilote n’a perdu la vie lors d’un week-end de Grand Prix*. La trêve a duré 12 ans. Elle est malheureusement terminée.

Une première alerte a lieu vendredi, au début des essais qualificatifs. Rubens Barrichello décolle sur les vibreurs. Sa monoplace s’encastre dans le mur de pneus. Le jeune Brésilien fait plusieurs tonneaux. Inconscient, il est immédiatement transporté à l’hôpital. Ayrton Senna se précipite à son chevet. Le triple champion du monde éprouve beaucoup de sympathie pour son jeune compatriote. Senna est rassuré, Barrichello s’en tire avec une fracture du nez et un bras cassé. Il fallait bien un miracle au cours de ce maudit week-end.

Senna veut reformer le GPDA

Dimanche matin, lors du briefing d’avant-course, Ayrton Senna, secoué, prend la parole. L’accident de Ratzenberger soulève une évidence : la sécurité des monoplaces a fait des progrès, mais elle est encore largement insuffisante. Il soumet alors une proposition aux pilotes : relancer le GPDA, le syndicat des pilotes, en sommeil depuis douze ans. Le triple champion du monde souhaite en assurer la présidence pour défendre les intérêts des pilotes et exiger de meilleures conditions de sécurité. Il n’en aura pas l’occasion.

« We all miss you all Alain »

Une autre chose dérange le Brésilien : il se sent terriblement seul sur la piste. Déçu par les performances de sa Mc Laren, Ayrton Senna a lâché l’équipe avec laquelle il a conquis ses trois titres mondiaux pour l’écurie Williams, le baquet le plus convoité du plateau. Senna occupe désormais la place de son plus grand rival : Alain Prost. Le Français vient de prendre sa retraite sportive après la conquête de son quatrième titre mondial. Entre les deux hommes, la lutte a souvent dépassé les limites. Mais depuis le départ de son éternel rival, la F1 n’a plus la même saveur pour le Brésilien. Invité par TF1 à faire découvrir en direct aux téléspectateurs le tracé du circuit d’Imola à bord de sa Williams, Ayrton Senna profite de l’occasion pour adresser ces quelques mots en introduction : « un bonjour spécial à mon… à notre cher ami Alain. Tu nous manques Alain« . Des paroles inimaginables quelques semaines auparavant.

 

Début de saison catastrophique

Favori du championnat, Ayrton Senna débarque à Imola sans le moindre point au compteur. Une sortie de piste au Brésil, un accrochage au départ du Grand Prix du Pacifique : son début de saison est catastrophique. Après seulement deux courses, le Brésilien accuse déjà 20 longueurs de retard sur Michael Schumacher, auteur d’un parcours sans faute. Senna le sait, à Imola, il n’a pas le droit à l’erreur.

Le triple champion du monde réagit parfaitement et s’empare de la pole position devant Schumacher. Ayrton Senna est en tête de la course devant le pilote allemand lorsqu’au septième tour, sa monoplace tire tout droit à l’entrée de la courbe deTamburello, probablement à cause d’une rupture de la colonne de direction. Le choc est terrifiant. Senna percute le mur à près de 200 km/h. Souffrant de très graves blessures à la tête, le Brésilien est évacué en hélicoptère vers l’hôpital de Bologne. Son décès est déclaré en fin d’après-midi. En l’espace de vingt-quatre heures, la mort a frappé deux fois sur le circuit d’Imola, emportant un pilote anonyme et l’une des plus grandes légendes de la discipline.

Prise de conscience

Ce double drame déclenche une prise de conscience dans le monde de la F1. Après les événements tragiques d’Imola, le GPDA, le syndicat des pilotes, est reformé. La sécurité revient au centre des débats : les monoplaces deviennent plus sûres, de nombreux circuits, trop dangereux, sont bannis du calendrier ou largement modifiés. Grâce à ces mesures drastiques, de nombreuses tragédies ont été évitées. Ayrton Senna est d’ailleurs le dernier pilote de F1 à avoir perdu la vie en course. Il y a tout juste vingt ans.

*en 1986, l’Italien Elio de Angelis s’est tué lors d’essais privés sur le circuit du Castellet au volant de sa Brabham. 

 

 

Ayrton Senna accident Imola 94 Mensonges et Vérités

 

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1 réponse

  1. Draghi dit :

    La technique grâce à la simulation a fait des progrès depuis. La colonne de direction « sciée net » ne prouve rien. Il ne faut pas confondre la cause et la conséquence. Aujourd’hui on peut modéliser avec des calculs de charges très précis en fonction de la configuration de la voiture de Senna et lancer des simulations pour visualiser toutes les hypothèses. Un laboratoire de recherche très connu dans le monde avec lequel j’ai des accords scientifiques a repris la vidéo en superposant le modèle 3D paramétré avec toutes les équations cinétiques et massiques de la voiture pilotée par Senna. Deux résultats qui collent à la vidéo affichent une perte de charge sur le côté avant droit de la voiture mais aussi par un tangage asymétrique arrière gauche ce qui veut dire qu’il y a rupture du facteur de charge en ressource d’autant que le rayon de courbure de la trajectoire est petit. Cela correspondant à 4 à 5 G au moment du décrochage bien visible sur la vidéo. Si le côté droit de l’aileron avant de la voiture a été endommagé soit par un choc ou une rupture, cela revient à appliquer une accélération négative qui à 224 km/h à cet endroit correspond à un dégagement de poids de 600 kilos ce qui a pour effet de neutraliser tous les effets de la dérive de l’aileron arrière. Dans ce cas, il n’y a ni direction, ni appui droit, ni appui arrière. Dans le cas d’une colonne de direction endommagée, les roues engagées à une vitesse de plus de 200 km/h aurait suivi un rayon évolutif négatif avec un angle minimum de 30 à 45 degrés sur la gauche et non sur la droite défini par les règles de calculs des cycloïdes.
    Par conséquent, on peut aussi imaginer qu’une rupture de la colonne de direction a eu lieu après la perte de charge sur le côté droit de l’aileron avant ce qui peut vouloir dire que la voiture était mal réglée puisque l’accident a eu lieu au deuxième tour .